Ce 9 octobre 2025, la France rend un hommage national à Robert Badinter, figure tutélaire du combat pour la dignité humaine. Vingt mois après sa disparition, l’ancien avocat, garde des Sceaux et président du Conseil constitutionnel entre solennellement au Panthéon. Une date hautement symbolique : celle du 9 octobre 1981, jour de la promulgation de la loi abolissant la peine de mort, qu’il porta avec une éloquence et une conviction restées dans les mémoires.
Mais derrière le grand homme d’État se cachait aussi un amoureux des arts, et tout particulièrement de la musique. Robert Badinter était un mélomane exigeant, attentif, passionné, qui voyait dans la musique « l’expression la plus complète de l’art ». L’hommage national prévu aujourd’hui en portera la trace.
Julien Clerc interprétera L’Assassin assassiné, chanson écrite par Jean-Loup Dabadie et saluée à l’époque par Robert Badinter lui-même. Un choix hautement symbolique : ce titre, sorti quelques semaines avant l’abolition de la peine de mort, résonne comme un écho artistique à l’un des plus grands combats de sa vie.
Mais au-delà de la chanson française, il est probable que la musique classique imprègne également la cérémonie. Badinter, grand admirateur de Jean-Sébastien Bach, confiait écouter inlassablement les Variations Goldberg dans l’interprétation de Glenn Gould, qu’il qualifiait de « dépouillée et essentielle ». Il aimait aussi Mozart, et tout particulièrement Così fan tutte, qu’il tenait pour l’exemple parfait de « l’ironie amère et de la tendresse distanciée » du théâtre mozartien.
Dans un entretien à Diapason, il disait :
« Tout dans le théâtre mozartien me touche profondément, mais l’ironie amère, la tendresse distanciée de Così en sont pour moi la quintessence. »
Ce rapport intime à la musique ne s’est pas limité à l’écoute. En 2013, Robert Badinter prêta sa plume à Thierry Escaich pour l’opéra Claude, créé à l’Opéra de Lyon sous la direction de Jérémie Rhorer et mis en scène par Olivier Py.
Inspiré de la nouvelle Claude Gueux de Victor Hugo, ce livret s’inscrit dans la continuité de ses engagements : dénoncer l’injustice, éclairer la condition humaine, interroger la peine. L’œuvre, créée dans la ville même où Badinter avait découvert l’opéra enfant, en 1942, avec La Belle Hélène d’Offenbach, marque un retour poétique et moral aux origines.
L’entrée au Panthéon de Robert Badinter n’est donc pas seulement celle d’un homme de justice, mais aussi d’un homme de culture. De Bach à Mozart, d’Offenbach à Escaich, il aura trouvé dans la musique une forme de vérité parallèle à celle du droit : un espace d’harmonie, de liberté, et parfois de pardon.
Et en ce 9 octobre, alors que résonneront à la fois les mots de la République et les notes de la musique, c’est sans doute tout un pays qui redira, avec reconnaissance : merci, Monsieur Badinter.