Riccardo Muti dénonce la réduction de la culture italienne à « un simple outil de propagande »

Le maestro italien Riccardo Muti n’a pas mâché ses mots. Dans un entretien accordé au quotidien La Stampa le 25 septembre, en marge de la remise du Prix Cavour 2025 à Turin, le chef d’orchestre de 84 ans s’est montré très critique à l’égard de la politique culturelle menée en Italie.

« L’Italie a une histoire extraordinaire et unique », souligne-t-il, avant de déplorer que ce patrimoine théâtral et musical ne soit pas suffisamment valorisé. Pour Muti, la culture devrait se situer « au-dessus des clivages », mais elle est désormais réduite, selon lui, à « un simple outil de propagande ». Les médias, ajoute-t-il, jouent un rôle clé dans cette dérive.

Une culture reléguée au second plan

Pour illustrer son propos, Muti prend l’exemple de son concert donné début juillet à Agrigente, désignée capitale italienne de la culture 2025. La retransmission télévisée de l’événement n’a été programmée qu’à… une heure du matin. « Comme pour se donner bonne conscience », ironise-t-il.

Plus largement, le maestro regrette l’absence d’une politique culturelle tournée vers l’avenir et la jeunesse. « Nombreux sont ceux qui, comme moi, réclament plus de culture, davantage d’investissements dans les orchestres et les écoles de musique », plaide-t-il. La suppression des orchestres historiques de la RAI et de plusieurs formations à Rome, Milan ou Naples incarne, selon lui, le déclin en cours : « L’Italie est en train de devenir le pays du passé musical ».

« La scène ne doit pas devenir un lieu de protestation »

Interrogé sur les tensions qui traversent le monde musical, alors que les guerres en Ukraine et à Gaza suscitent des prises de position contrastées, Riccardo Muti défend une conception exigeante du rôle de l’artiste. « Les artistes ont le droit d’avoir une vision politique, mais je ne crois pas que la scène doive devenir un lieu de protestation. Le public va au théâtre, au concert, pour écouter une œuvre, pas pour être éduqué ou endoctriné », insiste-t-il.

Cette conviction, Muti l’illustre par son propre parcours. Habitué à diriger dans des lieux marqués par la guerre, il se souvient de son premier concert à Sarajevo : « Nous avons joué la Symphonie Héroïque de Beethoven dans une ville dévastée par le conflit. Depuis, je poursuis un chemin de dialogue et de réconciliation ».

Avec cette prise de parole, le maestro rappelle que, pour lui, la musique doit rester un espace de rassemblement, de mémoire et de transmission – bien au-delà des récupérations politiques.